Une enfance pendant la guerre

Les promenades à la plage, sous la surveillance de Marie-Anne, étaient parfaitement autorisées. Les trois grandes se baignaient et les petits jouaient au sable. Tout s’est toujours bien passé. Il n’y a jamais eu de catastrophe. En revenant, je ramassais les paquets de cigarettes vides. C’était ma collection du moment.

Au jardin nous faisions de grandes parties de gendarmes-voleurs quelquefois avec les grandes personnes. Philippe Marçais, le parrain de Monique, participait souvent à nos jeux. Sa présence était très stimulante et tout le monde savait bien que si on l’avait dans son camp, la partie était gagnée d’avance.

Nous avions d’autres compagnons de jeux : deux petits algériens , Abd-el-Kader et
Abd-er-Aman, qui habitaient tout près. On avait le verbe haut dans leur famille, ce qui pouvait paraître très étonnant à des enfants comme nous dont les parents élevaient rarement le ton. Nous étions toujours étonnés d’entendre de loin des éclats de voix de chez eux.

J’aimais beaucoup aller chez Jacqueline Domenech. De leur salle à manger on entendait la mer clapoter contre la terrasse et sur le devant il y avait un jardin très bien " rangé " qui me plaisait bien.

Pour occuper nos loisirs il y avait aussi un petit chariot à roulement à billes, déniché je ne sais où. Installés à plat ventre dessus, nous opérions des descentes vertigineuses le long de la maison en prenant, bien entendu, le virages à toutes vitesse. C’était grisant. Même Marie-Anne s’en souvient avec émotion…

Je crois sincèrement que nos parents aussi ont eu des moments heureux en ces temps troublés. C’est là que Guigui fit la connaissance de celle qui fut l’une de ces meilleurs amies et devint la marraine de Rémy, Madame Clément.

Et Papa a dû être très heureux de nous procurer une de nos plus grandes joies de notre enfance : chanter le " Minuit, Chrétiens " dans l’église de Guyotville, le soir de Noël 43. Je crois bien que, de toute ma vie, je n’ai jamais été aussi fière.

Quand la paix fut signée en mai 1945, nous habitions de nouveau Alger. Des quantités d’avions ont survolés la ville en lançant des tracts : " Dans la joie de la victoire, pensez à ceux qui souffrent ". J’étais en cinquième et nous sommes toutes sorties dans la cour avec notre professeur. La cour était jonchée de tracts. J’en ai conservé un jusqu’en mai 1999, puis je l’ai donné à Martine pour l’album-souvenir de ses 60 ans.

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